Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Mathias Enard

 Résumé : Si la vie est une succession de parenthèses, celle qui mena Michel-Ange à Constantinople en 1506, le transforma à tout jamais. Le puissant pape guerrier Jules II lui doit de l'argent lorsque le sultan Bajazet lui propose de concevoir un pont sur la Corne d'Or, après avoir rejeté les dessins de Léonard de Vinci. C'est flatteur mais renforce la pression sur les épaules de Michel-Ange…
Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants ressemble à un conte tout à la fois sombre et lumineux, empreint de mystère et d'onirisme. Un mélange entre Renaissance et Orient qui nous emmène loin, très loin.

Quatrième de couverture : En débarquant à Constantinople le 13 mai 1506, Michel-Ange sait qu'il brave la puissance et la colère de Jules II, pape guerrier et mauvais payeur, dont il a laissé en chantier l'édification du tombeau, à Rome. Mais comment ne pas répondre à l'invitation du sultan Bajazet qui lui propose- après avoir refusé les plans de Léonard de Vinci, - de concevoir un pont sur la Corne d'Or ?
Troublant comme la rencontre de l'homme de la Renaissance avec les beautés du monde ottoman, précis et ciselé comme une pièce d'orfèvrerie, ce portrait de l'artiste au travail est aussi une fascinante réflexion sur l'acte de créer et sur le symbole d'un geste inachevé vers l'autre rive de la civilisation.
Car à travers la chronique de ces quelques semaines oubliées de l'Histoire; Mathias Enard esquisse une géographie politique dont les hésitations sont toujours aussi sensibles cinq siècles plus tard.

Mon avis : Ce titre est fabuleux. Il interpelle le lecteur et fait appel à son imaginaire. L'Orient a toujours été source d'inspiration dans la littérature. L'exotisme du titre rappelle les Mille et une Nuits et ses aventures. Il est à noter que l'interpellation s'adresse en premier lieu à des enfants, à l'innocence du lecteur à qui l'on peut raconter un conte merveilleux. Ce titre est en fait tiré d'une citation de Kipling dans l'introduction d'Au hasard de la vie. Hormis la partie épique, il ne faut pas oublier comme dans chaque bonne histoire, la partie romanesque. Le thème de l'amour est évoqué par la passion pour l'art et par les liens entre les différents personnages, de la belle andalouse en passant par le fidèle compagnon. Les passages du point de vue de la belle andalouse sont emprunts d'un lyrisme mélancolique magnifique, nous apportant un peu de rêverie sur une période que je connais mal de l'Espagne conquise. Tous les ingrédients sont là pour en faire une nouvelle aussi agréable à lire par sa trame que par une écriture fluide. Les descriptions sont travaillées sans être pompeuses. L'auteur nous fait partager son savoir doté d'une très bonne documentation, sans excès. Les listes de l'artiste ne sont pas aussi inutiles qu'elles le paraissent. Au contraire, elles nous éclairent sur son état d'esprit. Elles nous permettent également de comprendre certaines références. A lui seul, Michel-Ange est un mythe. Construire une fiction autour de sa personne était une idée excellente, basée sur ce que l'on sait de cette période peu documentée de sa vie "et pour le reste, on ne sait rien". Prix Goncourt des lycéens en 2010, ils ne s'y sont pas trompés. Mon seul regret est la brièveté de l'ouvrage. J'aurais aimé en profiter encore un peu.
Pour aller plus loin : Après ce que l'on a pu découvrir et lire sur Michel-Ange, je crois que ceux qui en ont la possibilité se doivent d'aller visiter la chapelle Sixtine à Rome. Le travail sur le corps, les drapés colorés, bref, autant de choses héritées d'un lointain voyage dans le Bosphore du moins en songes si ce n'est en réalité... 

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